mercredi 29 décembre 2010

Mercredi 24 novembre, Icalma, chemin des contrebandiers, Argentine

Ce matin marque le dernier jour de notre séjour ici, chez Marta et Carlos. Ce soir, nous dormirons à Temuco, puisque demain matin nous rendons notre fidèle 4X4 à l’aéroport et prenons un vol pour Madrid, via Santiago. C’est le grand retour, nous serons en Suisse, en hiver, dans 48 heures !
Pour cette dernière journée, Carlos souhaite nous emmener dans un lieu spécial, près d’Icalma. Sur la route, nous conduirons le Chef et sa fille chez eux, puis poursuivrons notre route le long de la frontière Argentine, jusqu’au cratère effondré d’un ancien volcan.
Le ciel est plus couvert aujourd’hui, de fins nuages d’altitude voilent régulièrement le soleil. Je souhaite arriver à Temuco aux alentours de 18h, et donc être de retour à la Ruka vers 15h, pour la quitter à 16 !
Nous nous lançons sur la route, direction Icalma, accompagnés de Carlos. Il sera une fois de plus notre guide. Passé Melipeuco, la route se transforme en piste bien droite, qui traverse une large vallée, et après un virage imprévisible, elle commence à s’élever vers un col andin, el paso icalma, un passage vers l’Argentine. La route est en travaux, nous croisons des géomètres, qui prennent des mesures pour modifier les lacets caillouteux, puis de gros engins de chantier, qui creusent directement la montagne pour élargir la piste. Nous arrivons à un premier col. Carlos nous propose une halte, et nous explique que l’amoncellement de bouteilles d’eau pleines, ne signifie pas que ce lieu est une décharge, mais qu’il est sacré pour les indiens. De nombreuses personnes ont perdu la vie à cet endroit : voyageurs surpris par la neige alors qu’ils tentaient de joindre Melipeuco à Icalma, guerriers défendant leur village contre les argentins ou les chiliens. Un sanctuaire a été élevé ici, et y porter de l’eau est une façon de montrer sa dévotion. Malheureusement, travers de notre société de consommation, l’eau y est transportée dans des bouteilles en PET, et tout est laissé sur place, donnant à ce lieu sacré un aspect de déchetterie… Il y a encore des apprentissages à faire pour harmoniser monde moderne et anciennes coutumes !
Nous redescendons vers une large plaine, habitée par un lac. Nous traversons une forêt d’araucarias majestueux, Icalma est réputée pour ses araucarias.
Nous quittons bientôt la piste principale pour nous engager sur un chemin de terre qui mène à la maison du Chef. Le chemin est assez défoncé, inégal et s’élève à flanc de coline. Un passage à gué plus loin, nous arrivons à un cul de sac : la demeure du chef est ici. Carlos nous informe que le chemin est impraticable plusieurs mois par an, en hiver. Les habitants du lieu, le Chef, sa fille et son fils, sont alors coupés du monde pendant une période de 3 à 4 mois. La couche de neige peut atteindre facilement 2 mètres, empêchant tout déplacement à pieds. Il assurent alors leur subsistance principalement par les pinones d’araucaria.


Je lève les yeux et découvre au-dessus de moi une vingtaine d’auracarias femelle. En me tournant simplement, sur place, je vois des dizaines de fleurs femelles en formation. Je ne pense pas en avoir vu autant depuis que je suis arrivée au Chili, et pourtant, nous avons vu des dizaines d’araucarias… Mais là, le spectacle est impressionnant.





Autre source de nourriture : les dindons. Regardez la majesté de ce mâle ! Il y a également d’autres animaux, et il sont visiblement peu habitués aux voitures ! Ils se sont tous sauvés à notre arrivée. Ce lieu a une énergie toute particulière et nous nous en imprégnons avant de repartir. Nous saluons nos amis indiens et déclinons leur invitation à repasser plus tard : nous allons certainement manquer de temps !


Nous retrouvons la piste principale, et c’est avec soulagement que je m’engage dessus ! Elle est également en travaux, la prudence est de mise, la signalisation en nous prépare pas à nous retrouver face à une niveleuse ou face à un camion en train de décharger des pierres au milieu de la route !
Nous traversons le village d’Icalma, laissons de côté la route qui mène en Argentine, et nous engageons, plus loin, sur une piste qui semble mener au sommet de ce qui ressemble à une montagne.


Nous sommes à environ 1000m d’altitude, et la montagne semble culminer autour de 1500m. la piste s’élève en lacets sur son flanc. Nous faisons une première halte pour admirer la vallée, le lac, les montagnes et volcans face à nous.




Araucarias forme "conifère"


Les araucarias règnent en maîtres dans cette vallée, et ce qui nous impressionne le plus, outre leur nombre, est leur forme ! Contrairement à presque tous ceux que nous avons pu admirer jusque maintenant, ces arbres disposent de branches tout au long de leur tronc, et la forme globale de leur silhouette fait penser à un conifère.



Araucarias forme "parapluie"
Jusqu’à ce jour, nous avons surtout pu admirer des araucarias possédant peu de branches, groupées en haut du tronc et présentant une forme proche d’un parapluie retourné ! C’est comme si, ici, les arbres étaient mieux « nourris », par un terrain plus riche des éléments dont ils ont besoin, et qui leur permettrait de conserver d’avantage de branches… Je n’ai pas encore pu discuter de cela avec Vincent, mais je suis particulièrement interpellée par ces araucarias d’Icalma et leur spécificités !



A mi-chemin du sommet, je n’ai plus les compétences nécessaires pour faire avancer le 4X4 sur la piste défoncée, sans danger pour mes passagers. Nous laissons le véhicule à l’ombre d’un araucaria, attrapons les sacs et le pique nique, suffisamment d’eau et des bâtons, et  prenons à pieds, le chemin du sommet.
La côte est raide, le sol, formé d’un sable de lave gris-beige, mou sous nos pieds.




Volcans Lonquimay et Llaima
Volcan Villarrica
La vue est magnifique sur les 4 volcans qui nous entourent, de droite à gauche : le Lonquimay, le Laima, le Villarrica et le Lanin, qui est lui situé sur le territoire Argentin.
Nous montons encore un peu et découvrons un magnifique panorama sur le lago moquehue, également en Argentine. Nous dépassons les premières plaques de neige et continuons notre ascension.


Lago Moquehue
Nous découvrons bientôt l’intérieur de ce qui ressemble à un cratère, et qui, d’après les vulcanologues, n’en est pas un. Une lagune bleue, parcourue de multiple courrant d’air qui irisent sa surface, s’offre à notre regard. Le contraste entre le blanc des dernières neiges, et le bleu de l’eau est magnifique.


La neige tombe droit dans l’eau, se fracturant régulièrement en petits iceberg qui fondent doucement en s’éloignant du bord. Pour notre hôte, cet endroit est sacré. Nous pouvons adresser nos prières, nos demandes à la lagune, et lui offrir des cadeaux en échange de sa bienveillance. L’eau est extrêmement agitée, parcourue de très nombreux courant de vent, mobiles et tourbillonnants. Le froid nous glace bientôt, nous invitant à nous retirer à l’écart de la rive, pour nous préserver de cet esprit facécieux du vent.


Nous dînons au milieu des rochers, envahis par le calme du lieu, puis remontons au bord du cratère, pour contempler la lagune depuis un autre point de vue.







Nous rencontrons de drôles de petites fleurs organisées en rond ! Aucun d’entre nous n’a jamais vu cela, et j’attends encore que Vincent puisse me donner réponse quand à ce que c’est…. Très beau et harmonieux, c’est sûr, une variété d’iris, très certainement…







Le temps passe, et nous rattrape. Il est de temps de regagner la voiture, et de prendre le chemin du retour. Nous retraversons ces oasis d’araucarias et redescendons dans la vallée.








Les engins de chantier ont continué leur ballet, et en longeant le lago Icalma, nous sommes sur une piste a une voie, limitée à droite et à gauche, par un mur de gravier de 80cm de hauteur et autant d’épaisseur ! Pourvu que nous n’ayons personne à croiser !








Les araucarias qui bordent la route nous surprennent toujours. Regardez celui-ci, quelques boules et guirlandes et il ferait un magnifique… araucaria de noël !





Carlos s’endort sur la route du retour, et nous arrivons à la ruka à 17h passées ! Marta et Marina nous attendent avec un gâteau pour fêter notre départ. Nous y faisons honneur, avant de charger notre barda dans la voiture et de dire adieu à nos hôtes et à la ruka.
Il est grand temps de partir pour Temuco. Nous n’avons pas réservé d’hébergement et souhaitons ne pas être trop stressés ce soir. En route.
Il fait de nouveau grand soleil, et nous disposons encore de quelques heures d’ensoleillement, puisqu’il ne se couche qu’après 20h ! Et oui, ici c’est bientôt l’été !


La route que nous prenons passe par Cunco, puis se dirige droit sur Temuco, escaladant tout droit chaque colline rencontrée. Nous éclatons de rire à chaque panneau annonçant une côte, puis à chaque panneau annonçant une descente ! Ils auraient fait des économies en indiquant une succession de côtes et de descentes sur 40Kms !





Dans la descente suivante, nos regards sont attirés par un fanion rouge… En approchant, nous constatons qu’un berger agite cet étendard au milieu de la route pour signaler une traversée de… moutons !





Quelques centaines de moutons plus tard, nous redémarrons derrière un pickup bien chargé, qui transporte facilement son propre poids en bois. Je me dépêche de le dépasser avant la côte, nous n’avons pas besoin de recevoir une bûche !




Nous entrons dans Temuco à l’heure de pointe. Nous ne sommes plus du tout habitués à circuler en ville, pour moi, c’est un vrai cauchemar, même si Thomas sait exactement où nous sommes et nous guide de main de maître vers l’hôtel indiqué par Vincent. N’ayant pu y trouver une chambre libre, nous nous replions sur un hospedaje voisin et sommes finalement accueillis dans une chambre chez l’habitant ! Le propriétaire, un charmant retraité, vient de transformer une chambre de sa maison en accueil pour touristes, et nous sommes ses premiers clients ! La chambre est confortable, la salle de bain commune dispose d’eau chaude en quantité ! Que demander de plus !
Comme convenu, j’appelle Vincent. Nous avons prévu de boucler ce voyage, comme nous l’avons commencé, en buvant un verre ensemble. Finalement, c’est par un repas que nous fêterons la fin de ce voyage, Vincent passant nous chercher à l’hospedaje pour un dernier souper sur le sol Chilien.
Rendez-vous est pris ensemble pour une formation à Paris en février, et une formation commune en Suisse en octobre. A cette occasion, j’aurai le plaisir d’être son hôtesse et de lui faire découvrir les merveilles des montagnes fribourgeoises!

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